À la recherche de Constantia




2023

Une itinérance de bassin-versant


︎  À la recherche de Constantia 21€ (frais de port compris), cliquer pour commander
17 x 23 cm, 144 pages, 11 textes, 73 photos, 1 carte


Accueillis en résidence artistique, l’auteur Marin Schaffner et les photographes de GANG ont mené un projet de recherche et de création autour du bassin-versant de la Sienne de juin à octobre 2022.

︎ Bassin-versant de la Sienne
︎ Exposition aux Unelles (Coutances), du 28 février au 24 mars 2023

Voir aussi : ︎︎︎le site de territoires pionniers
Comment mettre en mots et en images un petit fleuve côtier et tous ses affluents ?

A vélo et en kayak, l'auteur Marin Schaffner et les photographes de GANG ont arpenté le bassin-versant de la Sienne — ce petit bout de Cotentin où chaque goutte d'eau qui tombe finit dans le havre de Regnéville-sur-mer.

Depuis la forêt des sources, en passant par toutes les rivières qui rejoignent la Sienne, ce livre se déploie comme une grande polyphonie de paysages et de visages, de contes et de souvenirs, de cours d'eau et de bocage.

Car un bassin-versant est tout un monde : une ligne de partage – des eaux, mais aussi des sols et des vivants. Constantia (nom historique du pays de Coutances, forgé il y a près de 2 000 ans) se propose ainsi comme le symbole de cette région, petit morceau unique de la biosphère.


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Ci-dessous, quelques extraits de textes et de photographies issues du livre et de l’exposition



Du point de vue des rivières,
le bocage est un privilège.






Un soleil printanier, encore un peu tiède, tombera lentement sur l’abbaye de Hambye. Les couleurs pastel qui gagneront les hauteurs grises et austères de la pierre laisseront penser que le coucher pourrait être flamboyant.

Le rose fragile des bourgeons de pommiers semblera répondre aux teintes du ciel – comme un indice évident que les fleurs sont filles de la lumière.







Cette nuit, la Sienne a failli déborder juste après la confluence. Grossies par les fortes pluies de ces dernières semaines, les eaux semblent vouloir avaler la berge. Sortir de leur lit comme une bête l’étroit. La Bérence aussi jaillit comme rarement. Sous nos pieds, on ressent presque le flux d’eau qui passe. Les turbines du moulin tournent à plein régime dans un tremblement assourdissant.
On essaie de contenir au maximum la force des eaux.
Mais on croirait presque que le bâtiment va finir par se détacher et flotter sur le petit fleuve jusqu’à la mer.








Surplombant le bocage qui partout l’enserre, la forêt fonctionne comme une véritable éponge.

Depuis ces hauteurs, le couvert forestier attire les pluies. Aimante les nuages du climat océanique. Le sol, lui, s’imbibe une grande partie de l’année.

La forêt n’est pas une barrière, c’est un réceptacle.

Un haut-lieu de l’accueil de tout ce qui advient – les éléments comme les vivants. Un refuge. Une matrice.








Une toile d’araignée en métal est posée sur notre presqu’île.

Ses longs fils noirs enjambent les paysages.

C’est une immense toile improbable, soutenue par des pylônes en treillis. Ces épouvantails d’acier, de plusieurs dizaines de mètres de haut, courent sur les lignes de crêtes et traversent le bocage.

Des géants grésillants, immobiles malgré leurs bottes de sept lieues. Immobiles, car c’est dans les fils de cette toile de métal que tout bouge à la vitesse de l’éclair.










Dans son atelier, Albert était maintenant en train de faire fondre dans un grand creuset tout un tas de déchets et de vieux objets en cuivre ( « la mitraille » comme on disait). Les mines de Tessy et de Montabot étaient les sources d’approvisionnement les plus proches. Mais le sous-sol du Cotentin n’a jamais produit assez de minerai pour les poêliers de Villedieu. Alors on récupérait tout ce qu’on pouvait,et puis on importait le reste: de Bretagne, du Val-de-Loire, parfois d’Espagne, et surtout de l’anglaise Cornouaille – haut lieu d’extraction de cuivre depuis des siècles.




Ce bocage, c’est lui qui assemble les pièces morcelées du paysage cotentin en un motif harmonieux qui protège du vent et enracine le terrain en lui-même – comme un baume végétal contre l’inéluctable érosion du monde. 

Et tout cela est si dense, parfois, que seuls quelques clochers émergent de cette mer de verdure.







La terre, lentement, glisse vers la mer.

C’est un mouvement millénaire, presque invisible à l’échelle d’une vie. Irrépressible.
Les seuls indices que nous en ayons, nous petits humains,
se nomment sédiments.

La planète Terre est une planète Mer où le bleu dominera toujours. Depuis que le massif armoricain s’est créé il y a 600 millions d’années, le cycle de l’eau ne fait que l’éroder. Les eaux ruissellent, ne cessent jamais de couler, et emportent chaque fois un peu de solide au cœur de leur force liquide.





Je suis né quelques kilomètres en amont d’un extraordinaire lieu de rencontre, où les eaux vives, douces et fraîches de la Sienne se marient chaque jour à l’immensité lourde et salée de la mer. 

J’ai grandi, pris malgré moi dans cet immense ressac : flux et reflux incessant des marées qui entre dans les terres.

Là, l’herbe a goût de sel.